Finira-t-on par se doter d’un organisme régional de développement pour le parc Orford ?
Un autre épisode de la saga du mont Orford vient de prendre fin abruptement avec le retrait du promoteur Michel Verville et de son projet de station de villégiature quatre saisons.
Certains seront tentés de conclure que la région a encore manqué sa chance d’accueillir un sauveur qui aurait pu assurer la vitalité économique de ce pôle de développement de notre région, avec toutes les retombées monétaires et d’emplois qui y sont historiquement reliés.
J’ai du regret que notre région piétine encore, mais pas pour les mêmes raisons que monsieur Verville. Pour ce dernier, la survie du mont Orford passait par un projet immobilier majeur et par une occupation intensive du pied comme du sommet de la montagne. Tout respectueux de l’environnement qu’il se soit prétendu, il ne correspondait pas à ce pour quoi la population québécoise s’est battue afin que soit respectée l’intégrité de ce parc provincial. De plus, l’importance du projet impliquait qu’on y attire une importante clientèle d’investisseurs immobiliers tout autant que de touristes internationaux.
Peut-être qu’un jour certaines idées du projet de monsieur Verville seront reprises – car il comporte certains éléments intéressants. Peut-être qu’un jour monsieur Verville lui-même reviendra participer à la valorisation du mont Orford et de sa région, s’il comprend que la région ne veut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, s’il comprend que la région a vu neiger avant aujourd’hui, s’il comprend que beaucoup de réflexion a été faite sur les possibilités de mettre le mont Orford au cœur d’une dynamique intelligente de développement touristique, s’il comprend que le débat sur la Loi 90 a été fait et que la région ne veut pas revenir là juste pour changer le bonnet blanc du projet de monsieur L’Espérance en blanc bonnet d’un autre promoteur tout drapé de « vert ».
Entre-temps, ce qu’il faut surtout regretter, c’est la précipitation de monsieur Verville et sa maladresse à présenter son approche avec patience et sérénité aux principaux acteurs socioéconomiques de la région. Peut-être, aussi, lui faudrait-il méditer sur le dicton populaire : « A beau mentir qui vient de loin ». Je ne veux pas dire par là que monsieur Verville est un menteur, mais disons que, si on fait quelques recherches sur Internet, on découvre qu’il a un passé d’affaires qui commande à tout le moins quelques réserves. Bien sûr, il a grandi à Magog, selon ses dires... mais depuis le « success story » de Vincent Lacroix, un autre Magogois, les gens sont devenus un peu plus prudents.
En fait, ce qui est le plus regrettable dans ce nouvel épisode de la saga du Mont-Orford, c’est qu’on a tenté de faire mauvaise presse à ceux qui tentent de relever, à court terme, le défi de sauver les installations et les activités de ski et de golf. Comme beaucoup d’autres personnes, je suis loin d’être convaincu que la MRC a trouvé la meilleure solution à long terme, mais peut-on au moins laisser les gestionnaires actuels faire une année complète d’activités et les laisser ensuite évaluer la situation « en toute transparence », comme l’a promis le préfet Jacques Demers lors de la réunion de la MRC du 15 février ?
Puis-je aussi suggérer à tous ceux qu’intéresse le devenir du Mont-Orford de lire ou de relire le mémoire présenté par monsieur Robert Benoit lors des consultations de la MRC de Memphrémagog à ce sujet à l’automne 2010 ?
Dans son document, monsieur Benoit parle, chiffres à l’appui, des incidences des changements climatiques sur la durée éventuelle de la saison de ski, des défis technologiques et financiers de l’enneigement artificiel pour offrir « une montagne enneigée, mais sans glace », de l’évolution démographique de la clientèle de la MRC de Memphrémagog d’ici 2031, du potentiel de 200 000 personnes habitant dans un rayon de 50 kilomètres d’Orford, du déclin du concept de l’immobilier comme gage de rentabilité des centres de ski, etc. Pour qu’Orford retrouve sa vitalité, monsieur Benoit, s’appuyant sur plusieurs études scientifiques et économiques, en arrive à la conclusion qu’il faut faire d’Orford une station de ski attrayante pour la clientèle de proximité et cesser de rêver d’une station de calibre international.
Le chainon manquant pour que la région envisage enfin le futur du Mont-Orford avec optimisme et succès, ce n’est ni la bonne volonté ni les générateurs de bonnes idées. Le chainon manquant, c’est une structure de coordination pour clarifier les perspectives, établir des consensus, articuler un plan d’ensemble et, par la suite, procéder à des appels de projets et faciliter les investissements.
Pourquoi cela ne s’est-il pas encore concrétisé ? Difficile à dire. Je ne suis pas certain qu’une structure additionnelle soit nécessaire, mais, jusqu’à preuve du contraire, il me parait qu’il faudrait mettre en place quelque chose qui ressemblerait à l’organisme « Sherbrooke, cité des rivières » (récemment intégré à « Destination Sherbrooke »).
Comme il faut avoir une vision qui dépasse les clochers de chaque collectivité individuelle, et même les limites de la MRC de Memphrémagog, pourquoi ne pas alors aller voir du côté de la Conférence régionale des élus (CRÉ) de l’Estrie ?
Dans un Avis déposé il y a quelques jours à la commission parlementaire de l’aménagement du territoire étudiant le projet de loi 34 intitulée « Loi pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires », le regroupement des CRÉ rappelait que « les CRÉ sont, pour le territoire qu’elles représentent, les interlocutrices privilégiées du gouvernement en matière de développement régional. »
C’est peut-être là qu’il faut déplacer le brassage d’idées et aller chercher, en tout ou en partie, les fonds requis pour enfin mettre sur pied une structure de coordination dont le mandat sera d’orienter et de favoriser de manière concertée le développement autour du Mont-Orford – sans reprendre constamment des débats désormais clos.
Le 10 février dernier, un article du Reflet du lac, rapportant la réaction du député Pierre Reid au projet présenté par monsieur Verville, titrait : « Arrêtons de croire aux miracles » En un sens, monsieur Reid a raison : il ne faut pas attendre de miracles. Toutefois, comme député d’Orford, il pourrait peut-être donner une direction nouvelle à l’action de tous ceux qui souhaitent voir enfin une lumière soutenue au bout du tunnel. Monsieur Reid pourrait piloter à la Conférence régionale des élus (CRÉ) de l’Estrie une délégation de gens qu’il aurait préalablement réunis pour réfléchir à une formule d’action concertée et permanente qui dépasserait les seules activités du Mont-Orford Son appel à cesser de croire aux miracles prendrait alors un sens beaucoup plus positif et dynamique. Canton d’Orford et Magog, de leur côté, se sentiraient peut-être moins seuls à porter, avec la MRC, le fardeau d’une solution « miracle »...
Daniel Faucher
Eastman
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À la recherche d’un consensus19 février 2012, par Hubert Simard
Vous avez raison lorsque vous mettez en évidence les besoins de clarification des perspectives, de recherche de consensus, d’élaboration d’un plan d’ensemble. C’est parce qu’il y a un vide qu’un promoteur comme Michel Verville peut être tenté d’occuper le terrain.
Je ne crois pas qu’une structure puisse combler ce vide. Il y a un travail politique à réaliser en préalable aux actions. Il faut d’abord arriver à un consensus sur une vision de développement durable qui, au delà des vagues orientations, intègre la mission de protection de la biodiversité du parc national du Mont-Orford avec l’héritage économique, culturel et social qui fait partie de cet ensemble et qui est valorisé par la population.
Ce travail de recherche de consensus ne peut être fait en vase clos et il ne se fera pas en réaction à des projets de développement. On se souviendra que le projet d’André L’Espérance, basé sur un échange de terrains, a fait l’objet d’une commission du BAPE. Devant un rapport négatif, le gouvernement Charest a voulu forcer une solution en modifiant la Loi sur les parcs pour permettre la vente des terrains du Mont-Orford, déclenchant ainsi une réaction nationale.
Des états généraux, un sommet, une commission, une consultation ? Peu importe la méthode, il faut d’abord faire un consensus sur l’intérêt collectif d’une discussion aux effets durables qui suscitera la plus large adhésion possible.