Un avenir pour la station touristique du Mont-Orford ?

mardi 21 juin 2011 par Hubert Simard

Les trois derniers appels d’offres pour l’exploitation de la station touristique du Mont-Orford se sont terminés en queue de poisson.

D’échec en échec

Une longue marche citoyenne a convaincu le gouvernement Charest d’abandonner son projet d’appel d’offres pour la privatisation du Mont-Orford au profit d’un projet immobilier. Le deuxième appel d’offres ne portait que sur l’exploitation des installations. Il n’aura attiré qu’un seul soumissionnaire. Son offre aura été refusée parce qu’il ne pouvait assurer la garantie de 4 M$ exigée par le gouvernement. La troisième initiative aura pris la forme d’un appel de candidatures réalisé par la MRC de Memphrémagog dans le cadre du dernier recours autorisé par la Loi 90 avant la démarche de démantèlement des installations. Les négociations avec le tandem Vertendre/Gestion Soroma ont été rompues avant l’échéance du 31 mai fixée par la loi.

Le mystère de la rupture des négociations

La rupture des négociations demeurera un mystère. Les élus sont assis sur un avis légal qui leur interdit de révéler les détails du déroulement des négociations.

On fait face à un éventail de rumeurs dont on ne peut obtenir ni la confirmation ni la réfutation. Selon la source :

  • les élus se seraient tenus debout devant un promoteur qui ne pouvait se conformer aux exigences de la MRC ;
  • le candidat aurait perdu le financement de sa mise de fonds en cours de négociations ;
  • l’alliance Le Vertendre avec Gestion Soroma n’aurait pas survécu aux discussions.

Silence sur les zones d’ombre

Dès le moment où la candidature de Vertendre/Gestion Soroma a été retenue, il a été difficile d’obtenir des réponses sur les zones d’ombre entre les intérêts de la collectivité pour la relance de la station touristique et les intérêts du promoteur immobilier pour la relance de son projet de développement.

Un citoyen d’Eastman a soulevé la question de la location de chalets à court terme par Le Vertendre au conseil de la municipalité d’Eastman. Le site du promoteur et la publicité sur Bonjour Québec témoignent de cette pratique. Le zonage n’autorise que la location de type gîte touristique habité par ses propriétaires. La législation gouvernementale a été resserrée et les locateurs doivent maintenant obtenir un certificat de conformité à la réglementation municipale pour pouvoir exploiter leur commerce. La municipalité pourra éventuellement modifier sa réglementation, mais ce n’est pas une formalité. Des citoyens voisins de Le Vertendre s’opposent à la location à court terme. Des citoyens du Canton d’Orford ont obtenu gain de cause contre un propriétaire qui ne respectait pas la réglementation municipale. La location de chalets à court terme est essentielle à la réalisation du plan d’affaires de Le Vertendre. Quel serait l’impact sur une éventuelle entente entre la MRC et Le Vertendre si ce dernier n’obtenait pas un droit de location à court terme ? La question a été posée au préfet de la MRC et maire de la municipalité d’Eastman pour savoir si la MRC exigerait de son partenaire qu’il respecte les règlements municipaux. Le préfet Marinovich n’a pas voulu donner cette assurance, sous prétexte qu’il s’agit d’une question locale.

Risques de conflits d’intérêts

Les risques de conflits d’intérêts dans une situation où la relance de la station touristique est dépendante du succès d’un projet immobilier spéculatif sont multiples. L’insistance du promoteur pour la validation du lien mécanique entre son projet et la station de ski est un autre exemple. Même si la MRC a déjà revendiqué l’autorisation de tels liens dans le cadre du projet de loi 90 sur le Mont-Orford, le gouvernement a intégré à la loi l’obligation à la MRC d’obtenir les études du promoteur et d’évaluer, notamment, la valeur d’un tel investissement pour la relance de la station de ski. Le projet devra être soumis à une consultation publique.

L’article de La Presse, section Affaires, du 9 mai dernier, sous le titre « Relance du Mont-Orford : un hôtel et des lofts verts », à partir d’une entrevue avec Alain Chagnon président de Le Vertendre, livre un portrait embarrassant pour l’institution publique qu’est la MRC de Memphrémagog. La relance du Mont-Orford devient une affaire de développement immobilier où la MRC est présentée comme associée d’un projet immobilier de 900 unités d’habitation et d’un hôtel. Cette information est fausse, tout comme est fausse l’information selon laquelle le promoteur a obtenu le lien entre son projet immobilier et la station de ski.

Cet article a été publié au moment où les négociations pour la conclusion d’une entente étaient en cours. À la période de questions du conseil de la MRC qui a suivi, le préfet Marinovich a esquivé les questions sur ce sujet et la demande de publier un correctif aux informations publiées dans l’article de La Presse.

L’exploitation de la station touristique par l’entreprise privée à l’intérieur d’un parc national dans un contexte où la rentabilité est difficile à atteindre a été coûteuse pour le gouvernement du Québec. Le dernier exploitant, Mont-Orford inc., propriété d’André L’Espérance a obtenu une entente avec Québec qui lui verse un total de 23,6 M $ en compensations.

Un projet d’entente entre un spéculateur immobilier, dont le projet de développement ne fait pas encore l’objet d’une approbation formelle, et une Société d’économie mixte créée par la MRC de Memphrémagog qui détient 80 % des actions et qui a la ferme intention de ne pas investir dans les équipements ni d’assumer une part d’un éventuel déficit ne simplifie aucunement les choses. Le promoteur doit impérativement y trouver son profit.

Le mirage du développement immobilier

Cela fait des décennies que les élus et les gens d’affaires de la région conçoivent les installations touristiques du Mont-Orford comme des infrastructures qui incitent au développement immobilier.

Le projet immobilier d’André L’Espérance à l’intérieur du parc national s’est heurté au refus d’un démembrement du parc national. Un moment décisif aura été la prise de conscience du maire de Magog, Marc Poulin, à savoir que la solution de la relance par le développement d’un ensemble immobilier n’est qu’une solution temporaire qui doit se poursuivre avec d’autres projets pour assurer la pérennité d’une station de ski déficitaire.

L’offre de Le Vertendre survient dans la foulée de la dernière grande crise économique dont le déclencheur est lié à une bulle immobilière alimentée par un accès déréglementé au crédit. Du côté américain, le marché immobilier est toujours dépressif, particulièrement dans les milieux des loisirs et du divertissement dont la croissance soutenue des 20 dernières années a été fondée sur des développements spéculatifs de type « build it and they will come ». Ce samedi 18 juin 2011, La Presse publie en pages 2 et 3 un reportage sur Las Vegas, une ville en perdition. Elle cite l’économiste Patrick Brown : « Quand la bulle a éclaté, le marché s’est effondré. Le prix des maisons a chuté de 45 % ». On retrouve des reportages semblables sur l’immobilier en Floride et dans les stations de ski.

Les élus se sont enfermés dans cette vision de salut par le développement immobilier. Aucune démonstration convaincante n’a été faite qu’une telle solution soit viable dans le contexte économique actuel. Bien au contraire, le dernier épisode met en évidence les risques d’une telle aventure. Il était légitime de vouloir trouver un entrepreneur capable d’investir dans la relance de la station touristique avec la perspective d’une exploitation autonome. La démonstration est faite que le marché n’est pas au rendez-vous.

Une remise en question ?

Depuis 2006, la question est posée d’une prise en charge de la station touristique dans le cadre d’une démarche citoyenne et coopérative plutôt que dans un contexte de compétition d’entreprises privées traditionnelles. La moitié des stations de ski du Québec sont exploitées dans des structures à but non lucratif.

La Coopérative de solidarité du Mont-Orford, fondée en 2006, et forte d’un effectif de près de 1 000 membres n’aura jamais eu l’occasion de faire valoir son plan de relance au cours des deux derniers appels d’offres. Les conditions pour la mise de fonds ont été trop contraignantes pour un organisme qui ne dispose pas d’un capital de base substantiel. Cela ne signifie pas pour autant que la coopérative n’est pas en mesure d’assurer la pérennité de la station touristique. En gérant les actifs d’une manière transparente et en recherchant une rentabilité avec des surplus qui seront réinvestis dans les équipements plutôt que versés en profits, la coopérative pourrait se bâtir un appui dans la population.

Peut-on revenir à l’idéal des Bowen et Giroux qui ont généré le mouvement de création du parc national du Mont-Orford ? À cette époque de dépression économique, on visait la santé de la population par l’accès aux activités de plein air, pas la construction de condos. C’est toujours d’actualité.

Les élus de la région responsables de ce dossier auront-ils la sagesse de reconnaître que leur vision de station de ski reliée par un lien mécanique à un projet de développement immobilier n’est pas viable dans un avenir prévisible ?

Sauront-ils sortir d’un silence malsain où les informations sont filtrées par des avocats pour bâtir une relation de confiance avec la population dont ils sont les mandataires ?

Pourront-ils s’ouvrir à des solutions qui ont fait leurs preuves ailleurs ?


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